La vie des femmes ivoiriennes doit compter

Article : La vie des femmes ivoiriennes doit compter
Crédit: Getty Images
31 août 2021

La vie des femmes ivoiriennes doit compter

Lundi 30 août 2021, il est à peu près 20 heures, quand l’horreur… Elle est télévisée, filmée et relayée pour des milliers de téléspectateurs à travers le monde. Elle est applaudie car elle est drôle. Elle (?), c’est le viol. Le malheur, la réalité, le quotidien de deux ivoiriennes sur cinq selon les chiffres du ministère, de la femme et de milliers de femmes sur la planète.

Sur les 1 129 cas recensés par les Nations unies en quatre ans, plus des deux tiers concernent des enfants et la quasi-totalité des victimes sont des femmes. Des crimes souvent dénoncés, selon le rapport : 90 % d’entre eux sont instruits. Mais moins de 20 % aboutissent à une condamnation. Parmi les victimes, Grâce, 3 ans, violée et assassinée en 2019, ou Sarah, assassinée et violée, ou encore cette inconnue qui s’est tue. Ce lundi soir, elles ont subi une fois encore l’injustice.

« Montre moi comment tu violais tes victimes »

« Montre moi comment tu violais tes victimes »… Ainsi dit, ainsi fait. Le bourreau émoustillé par l’animateur de la chaîne de télévision NCI décrit ses forfaits. Avec aisance, il singe ses actes, encouragée par les téléspectateurs qui applaudissent, qui rient. L’image est dure, c’est métaphorique. C’est la société qui se moque de la victime, qui l’accuse, qui lui dit qu’elle ne devait pas être là. Qu’elle devait être mieux vêtue, plus pudique, etc. C’est la société qui ne réagit pas, qui laisse faire. Et pendant ce temps, le bourreau se vante, se réjouit, est le héros de ce spectacle, encore une fois. Il a gagné. Il s’agit clairement de l’apologie du viol qui est présenté. Comment peut-on seulement penser une telle émission ?

L’animateur mimant son forfait

« Ont-elles pris du plaisir, tes victimes ? »

Le vice, ce soir, est poussé plus loin. On parle de plaisir des victimes. Mais quelle antinomie, quelle bassesse !   De quel plaisir est il question ? Le plaisir, s’il y en a eu un, était du côté du bourreau. C’est lui qui a arraché l’innocence de ces femmes, c’est lui qui s’est délecté de leurs larmes et supplications et ce lundi soir, c’est lui le héro qui les nargue encore une fois. Le plaisir était du côté de cette chaîne de télévision qui pour augmenter son audience, a sali la mémoire de ces victimes en les violant à vif une fois encore.

Mais elles, ont eu peur, elles ont encore ressenti les mains sous leurs gorges, ont revécu ce moment infâme, et ont encore vécu l’abandon de leur condition. Combien ont dû avorter clandestinement, combien ont contracté des maladies souvent incurables ? Combien en sont mortes, physiquement et émotionnellement ?

La vie des femmes ivoiriennes compte-t-elle ?

En Côte d’Ivoire, le viol est un sport, un jeu. Il est chanté, dansé. La Ligue ivoirienne des Droits des femmes reçoit par jours au moins deux cas, dont des enfants. D’autres organisations, plus ou moins. Depuis 2019, le viol est un crime puni par le code pénal mais hélas banalisé. En Côte d’Ivoire, le viol est puni d’un emprisonnement de 5 à 20 ans. Et encore, toujours, les victimes se heurtent au problème du certificat médical, à la négligence des forces de l’ordre et de la justice. Nous demandons une sanction exemplaire et l’assainissement du contenu audiovisuel. Un sit in et des actions sont prévues en ce sens. Car la vie des femmes ivoiriennes doit compter.

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Manu Kahoyomo
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Force et courage