La femme est libérée, la mère est piégée

Article : La femme est libérée, la mère est piégée
Crédit:
14 juillet 2020

La femme est libérée, la mère est piégée

C’est Simone de Beauvoir, dans son oeuvre le Deuxième sexe, qui a si savamment dissocié la dualité dans la condition : la femme comme une personne humaine et la femme comme une mère. En effet, si être une femme ce n’est pas obligatoirement être une mère, être une mère c’est forcément être une femme. Alors, on serait tenté de se demander comment la femme peut être libre d’une part et piégée de l’autre.

La femme libérée par ses luttes émancipatrices

Au fil des siècles, la femme s’est battue pour acquérir plus de droits. Quand bien même cette lutte reste encore inachevée, on ne peut nier qu’elle a permis de changer les paradigmes. La femme a pu accéder à la personnalité juridique un peu partout dans le monde, jouissant ainsi de la quasi totalité des droits humains. Elle a la latitude de disposer d’elle, de choisir son mode de vie, de travailler et de recevoir l’éducation. Finie l’époque où le monde lui dictait sa conduite et sa place.

La femme moderne monte à l’échafaud, elle est citoyenne, électrice et candidate. Elle s’émancipe de la tutelle du patriarcat et le montre incessamment. Avec le féminisme, fer de lance de cette ruée vers la liberté, elle peut choisir de devenir mère ou pas. Mais alors, quand elle emprunte le chemin de la maternité, elle y est inexorablement engluée. Et c’est tout ou partie de ce qu’elle a obtenu de liberté qui s’envole.

La femme rattrapée par la maternité

« Je peux penser, quant à moi, qu’elle aurait volontiers joui, quelque temps
encore, de sa liberté avant que survienne le fardeau de la maternité. » Sigmung Freud

Parlant de maternité, nous remontons déjà à la grossesse. Dans la mesure où la femme, -bien entendu- est le seul être qui peut vivre cet état physiologique. La grossesse reste l’un des handicaps majeurs dans sa vie d’adulte, notamment dans sa scolarité et sa vie professionnelle. C’est ainsi que la société a pénalisé la maternité. « Pendant longtemps, l’idée que travailler était mauvais pour l’issue de la grossesse a perduré » rappelle Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, chercheur épidémiologiste (Inserm U1153, équipe EPOPé).

Bien que cette conception soit caduque aujourd’hui, les entreprises et organisations du monde du travail en Côte d’Ivoire peinent à évoluer dans la protection sociale et juridique des femmes enceintes. La grossesse reste encore un motif de licenciement, de chômage et de démission. En outre, le défi est de concilier les pans professionnels et privés. La maternité éloigne souvent de la vie politique et syndicale.

La préoccupation maternelle primaire

D.-W.Winnicott (1956), psychanalyste anglais, a introduit le terme de « préoccupation maternelle primaire » afin de décrire l’état particulier de la femme au moment de sa grossesse et dans les premiers mois de vie de l’enfant et qui correspond à une identification régressive de la mère à son bébé. 

Dès lors que la femme devient mère, toutes ses premières pensées et ses efforts se tournent vers l’enfant qui vient de naître. L’essentiel des pensées maternelles va au confort du nouveau-né. C’est ce que l’on appelle « la préoccupation maternelle primaire ». La nouvelle maman s’adapte alors à la vie avec un enfant . Si la maman prend plaisir à son nouveau rôle, elle perd progressivement son identité au profit du nouvel être à sa charge et très souvent fait substituer ses désirs aux siens . L’enfant reste encore très dépendant de la mère surtout les 6 premiers mois voire la première année. Ce qui peut donner l’impression à cette dernière que sa vie est mise en pause. Si elle n’est pas aguerrie comme c’est le cas pour le premier enfant, il s’ensuit très souvent une dépression post-partum aussi appelée baby blues. Très souvent malheureusement, la mère reste seule face à cette situation qui l’enferme et l’isole du reste de la famille et du clan. L’écoute psychologique reste encore faible en la matière.

La charge mentale

La charge mentale, c’est l’obligation de devoir penser à tout en permanence, avoir l’impression de gérer seule la logistique du foyer, être l’organisatrice du quotidien : elle pèse souvent sur les femmes. Et justement lorsqu’elles deviennent des mères, la charge mentale augmente considérablement. Aujourd’hui encore, même lorsque la co-parentalité est progressiste, la femme reste la plus grande impliquée physiquement et mentalement dans les soins du quotidien concernant les enfants. Il lui faut penser à tout tout le temps de l’alimentation aux examens médicaux des tout-petits, de telle sorte que de nos jours encore l’on considère que l’éducation des enfants est du ressort de la femme. Le temps hebdomadaire moyen de travail domestique d’une femme en couple avec enfants (34 heures) est comparable au temps moyen de travail rémunéré d’un homme dans la même situation (33 heures). Et la situation mondiale de crise sanitaire a justement accentué cette charge mentale féminine et refermé le piège de la maternité sur celles qui la portent.

La maternité reste essentielle pour la femme et pour l’Humanité. Mais il n’empêche qu’elle se referme sur cette dernière comme une trappe, impitoyable et inflexible. De sorte qu’il faille, pour celles qui souvent aspirent à briser le plafond de verre, soit qu’elles s’en éloignent, soit qu’elles fassent très peu d’enfants ou soit qu’elles les aient une fois accomplies socialement, au risque d’exposer leur santé. Aujourd’hui, le défi pour le féminisme est de faire de la maternité plus une force qu’une faiblesse.

Partagez

Commentaires