Comment Manu Kahoyomo interroge le féminisme africain sous le prisme de la soumission féminine

Article : Comment Manu Kahoyomo interroge le féminisme africain sous le prisme de la soumission féminine
Crédit: Kla'Art studios
21 novembre 2021

Comment Manu Kahoyomo interroge le féminisme africain sous le prisme de la soumission féminine

Le mouvement féministe est multiple, il est pluriel et surtout, il ne pourrait se détacher du contexte dans lequel il évolue. Aujourd’hui, se construit un féminisme africain que l’on pourrait aisément qualifier de 4e vague. Un féminisme né en Afrique, porté par des femmes africaines, et qui vient répondre à leurs réalités propres. Dans son dernier essai dénommé Le féminisme africain à l’ère de la soumission féminine, l‘auteur Manu Kahoyomo a analysé le mouvement féministe africain en le confrontant à une réalité qui semble le relater : la soumission féminine de la femme africaine. Une soumission brandie par les gardiens du patriarcat, et qui reste encore l’épine dorsale de l’éclosion de la révolution sur le continent.

Femme africaine, sois soumise et tais-toi !

L’origine du système patriarcal africain, sa clé de voûte et son socle sont la soumission. La soumission du féminin au masculin, une soumission tantôt naturelle sinon divine selon les tenants de cette thèse. D’après celle-ci, la femme naît intrinsèquement inférieure à l’homme et de ce fait, elle ne saurait se prétendre être son égale. L’auteure aborde ce combo parfait entre patriarcat et soumission. Femme africaine, sois soumise et tais-toi !

En effet, si l’on considère que la femme occidentale elle, peut parler, s’exprimer, la femme africaine est restée cantonnée dans un rôle de grande enfant. On oppose la soumission à son genre, l’accident biologique dont elle est issue la condamne et le féminisme devient cette chose qui l’éloigne de sa nature de vraie femme. Elle est chantée, scandée, et même enjolivée par des synonymes tels que respect et obéissance. tant et si bien que les femmes elles-mêmes ont fini par l’intégrer… Pavlov n’aurait pas eu meilleur exemple pour illustrer sa fameuse théorie sur les reflexes. Fait de culture et non de nature.

Car l’insoumise fait peur…

L’insoumise devient alors cette sorcière qui est présente dans tous les récits de l’évolution de l’humanité. La sorcière est rejetée et diabolisée. La femme insoumise est celle qui a rejeté ce conditionnement. La femme insoumise n’est ni plus, ni moins que la femme féministe. Les écrits des mythologies de la tradition juive présentent cette insoumise sous les traits de Lilith. Elle qui aurait été la première femme d’Adam, créée comme lui, elle a depuis la genèse refusé la soumission au profit de l’égalité. Ce qui lui a valu d’être reléguée au rang de démon remplacée par Eve la soumise. Née de la côte de l’homme et destinée à n’en être qu’une aide éternelle. Aujourd’hui les femmes africaines ont décidé de devenir des insoumises en refusant les coups et la violence d’un système.

Qui est l’insoumise ? C’est la femme qui dit non… Parce que cette soumission lui arrache tout consentement.

Manu Kahoyomo

Selon Manu, il s’agit de retrouver la dignité, la valeur humaine. La révolte féminine aujourd’hui, est construite par les femmes pour elles-mêmes, et pour leurs filles. Et bien sûr, cela effraie les tenants d’un système séculaire. Toute révolution est effrayante pour l’oppresseur mais également pour l’oppressé. L’insoumise fait peur tant aux hommes qu’aux femmes. On a tellement opposé les femmes que la majorité d’entre elles préfèrent rester sous la protection de la soumission pour ne pas être mises à l’écart. La distinction bonne femme/mauvaise femme prospère encore.

L’insoumise dérange donc des certitudes, oblige à se questionner, à refuser ce qu’on avait soi-même normalisé. Cette auto-détermination effraie mais elle est totalement utile et nécessaire.

Une oeuvre à avoir

Couverture du dernier ouvrage de Manu Kahoyomo," Le féminisme africain à l'ère de la soumission féminine"

Nous vous recommandons ce livre pour plusieurs raisons. Le style d’écriture est fluide, clair et le niveau de langue est excellent. Par ailleurs, on l’a compris, la thématique est d’actualité et c’est un ouvrage qui entre dans le panthéon de notre féminisme. En 178 pages, l’auteure nous plonge dans la réflexion avec des exemples et des références bibliographiques nécessaires à une analyse bien menée. La soumission est abordée sous tous les angles, sociologiques, religieux, humains…

Manu Kahoyomo s’illustre comme une essayiste de talent et une féministe redoutable.

Vous pouvez vous procurer l’oeuvre en librairie ou sur le site www.editions-harmattan.fr. Il est disponible en version papier à 19 euros et à 14 euros en PDF.

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