Ado-Gbagbo : dix ans plus tard, tout ça pour ça !

Article : Ado-Gbagbo : dix ans plus tard, tout ça pour ça !
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28 juillet 2021

Ado-Gbagbo : dix ans plus tard, tout ça pour ça !

(c) Image d’illustration : Roland Polman

Ce jour du mardi 27 juillet 2021 aura indubitablement été une des journées les plus marquantes en Côte d’Ivoire. Et pour cause, une rencontre entre deux personnalités que l’histoire a tenu pour irréconciliables. Il s’agit de Messieurs Alassane Ouattara, chef de l’Etat actuel, et Laurent Gbagbo, chef de l’Etat sortant, de la République de Côte d’Ivoire dont la rivalité idéologique a alimenté la scène politique du pays des décennies durant. Des divergences si profondes qu’elles ont entrainé une crise post-électorale soldée par des milliers de morts, dans l’un comme l’autre des camps des deux leaders, et le transfèrement de monsieur Gbagbo à la Cour pénale Internationale. Rien ou presque ne laissait présager cette rencontre joviale et détendue que celle qui a prévalu ces dernières heures.

Guerre d’ego, larmes de sang

Lorsqu’en fin 2010 advint la crise de l’élection présidentielle, les Ivoiriens ont assisté à une véritable guerre d’égo. En effet, devant des camps aux positions tranchées, le refus de dialoguer, l’emploi de la violence, du discours de haine, nous étions au bord de la guerre civile. D’ailleurs, dans son rapport rendu le 10 août 2012, la Commission d’enquête nationale mise en place après l’investiture de Ouattara estime le nombre de morts total à 3 248 en quelques mois seulement. La situation humanitaire est telle que des personnes se retrouvent en situation d’extrême vulnérabilité et certaines ne trouvent le salut qu’en se réfugiant dans les pays de la sous-région (près d’un million de personnes). Malheureusement, aucun des deux belligérants ne compte capituler, encouragés qu’ils sont par leurs proches et militants. Au milieu d’eux, le peuple pris entre le marteau et l’enclume, innocent et impuissant.

Une décennie d’impunité

Il y a eu des exactions sur des civils, des viols, des pillages, un mépris du Jus ad bellum et du jus in bello. On l’a signifié, un nombre important de personnes tuées et des biens saccagés. Aussi, s’attendait on à ce qu’une fois l’ordre constitutionnel rétabli, que justice soit faite. En lieu et place de cela, s’est mise en place une justice des vainqueurs et des règlements de comptes politiques rondement menés par des simulacres de procès.

En outre, le procès de la Haye a vu s’acquitter Monsieur Gbagbo, laissant encore en pointillés la question pendante… Qui est alors le responsable qui doit payer ? Hélas, il semble encore que nous sommes bien engagés sur le chemin de l’impunité. Pendant tout ce temps, ce sont des jeunes encastrés dans des positions absolutistes qui  »se font la guerre » tant sur les réseaux sociaux qu’ailleurs, au point où chaque échéance électorale est émaillée d’incidents portant la marque de ce face à face.

Simulacre de réconciliation ou volonté réelle de taire les différends ?

On l’a dit la rencontre entre les anciens « ennemis » ressemblait fort à des retrouvailles entre vieux amis. Des sourires, des accolades, c’est main dans la main que les « frères » ont posé pour les photos. Les avis sont mitigés, quand d’un coté, on parle de réconciliation, de l’autre c’est le dépit, la trahison. En tout état de cause, la reconnaissance qui n’a pas eu lieu il y a 10 ans s’est produite. En effet, le choix du lieu n’est pas fortuit en l’espèce, il s’agit du palais présidentiel. Peut-on véritablement parler de réconciliation quand ce mot a été tellement utilisé dans notre pays qu’il a été vidé de sa substance ? Quelle sera la suite pour notre pays ?

Malheureusement, cette attitude qu’ont les personnalités de faire la politique a créé une déception chez les jeunes. Comment comprendre qu’ils auraient pu depuis longtemps fait prévaloir la voix du dialogue dès les premières heures, mais qu’ils ne l’ont pas fait. Pourquoi avoir entrainé autant de jeunes hommes et femmes dans une spirale de haine si vous même arrivez à vous faire face à rire et à vous tenir la main ? De ces personnes, le peuple mérite des excuses publiques.

Bref, nous espérons que c’est véritablement un nouveau départ, pas ce jeu d’alliances flou auquel on est malheureusement habitué. On a tout de même envie de dire, tout ça pour ça !

« Nous avons convenu de nous revoir de temps en temps. C’est important de rétablir la confiance et que les Ivoiriens se réconcilient et se fassent confiance également ».

Alassane Ouattara

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